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Des carreaux d’arbalètes et des pointes de flèches au château de La Madeleine à Chevreuse

Un lot de pointes de flèches et de carreaux d’arbalète a été découvert durant les fouilles de la haute-cour du château de la Madeleine à Chevreuse. Ces objets, appelés également fers de trait, au nombre de 71, proviennent pour la plupart de fosses, de dépotoirs et de latrines. Ils semblent qu’ils y aient été jetés durant le XVe s., peut-être pendant ou juste après les affrontements entre les armées française et anglo-bourguignonne (cf. encadré).

La guerre de Cent ans à Chevreuse

Durant la guerre de Cent Ans, vers 1380, Pierre de Chevreuse, capitaine royal et gouverneur du château, conforte la fortification du château et relie cette muraille à l’enceinte du bourg. Ces travaux changèrent radicalement l’aspect de la place forte. Malgré ces nouvelles constructions, la guerre civile opposant Armagnacs et Bourguignons ont raison de ses défenses. L’armée anglo-bourguignonne de Jean-sans-Peur prend la ville et le château en 1417. La ville fut ensuite rapidement libérée, mais le château ne se rendit à l’armée royale qu’en 1438.


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Schéma descriptif d’un fer de trait.

Plusieurs étapes de travail ont été nécessaires pour mieux comprendre ces armes. Tout d’abord, des radiographies ont servi à voir les formes des projectiles. En effet, ceux-ci étaient enveloppés d’épaisses couches de rouilles et de sédiments. Il a été nécessaire de procéder à leur restauration afin de restituer l’aspect originel de ces objets. Au cours de la restauration, des restes de fût en bois et des traces de métal cuivreux ont été révélés après le dégagement de la gangue des produits de corrosion.

La typologie

L’étude a ensuite consisté en l’établissement d’un classement. Ces projectiles ont été triés en fonction de l’arme pour laquelle ils étaient destinés. La pointe des carreaux d’arbalète se différencie en effet facilement de celle des flèches par leur épaisseur et leur aspect parfois plus trapu (la pointe des flèches est, pour sa part, aplatie).

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3 types distincts de carreaux et de flèches découverts à Chevreuse.

Les 50 exemplaires de carreaux d’arbalète ont été classés en cinq types distincts. Les pointes de flèche sont beaucoup moins représentées que les carreaux, avec seulement 6 exemplaires divisés en trois types. Les autres fers n’ont pas pu être différenciés en raison de leur état de conservation.

Les différentes formes étaient réparties de la même manière dans tous les lieux de découvertes. Autrement dit, il n’y a pas eu de dispersion spécifique des types de fers de trait dans la haute-cour du château. De surcroît, étant donné certaines similitudes comme la présence de métal cuivreux sur plusieurs exemplaires, ces fers de trait ont été vraisemblablement utilisés au même moment.






Le bois des fûts

La présence de bois sur quelques fers, et non sur la totalité, suggère qu’au moins une partie des projectiles était préparée pour être tirée. Les autres servaient peut-être de réserve mais qui n’aurait jamais été utilisée.

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Carreaux présentant des restes du fût en bois. À gauche, vues de face et oblique des traces de découpe du fût du carreau CHE.8050.69 ; à droite, vue de face de la douille du carreau CHE.15002.91, dont le fût a un contour facetté.

Ces fûts ont été fabriqués à partir de pièces de bois de forte section, débités en petites bûchettes avant façonnage par tournage. Le hêtre est majoritairement employé (seuls trois exemplaires sont en chêne à feuillage caduc). Il est facile à mettre en forme, en particulier par tournage. Ce bois subit peu les variations hygrométriques et les déformations. Le chêne, quant à lui, offre une meilleure résistance mécanique. Toutefois, pour produire les fûts étudiés, il a été nécessaire de choisir des chênes à croissance lente, similaires à ceux sélectionnés pour la réalisation des panneaux de meubles.

Pour une production impliquant de grandes quantités de fûts, le choix du bois répond d’abord à la nécessité d’un bon rendement. Il faut sans doute voir dans l’emploi dominant de hêtre et de chêne à croissance lente une volonté d’obtenir un produit standard, facile à mettre en forme, à moindre coût et conservant une bonne stabilité dimensionnelle nécessaire au stockage des munitions.

Un placage de métal à base de cuivre

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Placages d’alliages cuivreux sur deux carreaux (à g. CHE.8050.30 ; à dr. CHE.15002.62 ; en bas, section de la douille du premier).
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Vues au microscope électronique à balayage : en haut, coupe au travers de la douille de l’extérieur vers l’intérieur (répartition du fer, du cuivre et de l’étain dans l’épaisseur de la tôle) ; en bas, petite surface de placage de métal cuivreux.

Enfin, l’analyse physico-chimique de cinq échantillons conservant des restes de métal en bon état a montré qu’il s’agissait de restes d’alliages cuivreux comprenant du cuivre, de l’étain, du zinc et du plomb à des teneurs variées. Il s’agit en réalité d’une fine couche homogène répartie de part et d’autre de l’ âme en fer. Ces résultats suggèrent que les différents individus ont reçu des placages de compositions diverses, probablement à des moments, voire des lieux de fabrication différents.
Au moins 47 objets étaient concernés par ce placage, représentant ainsi la plus importante collection de ce genre connue à ce jour en France.








La méthode de fabrication des fers de trait

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Chaîne opératoire proposée pour la réalisation d’un fer de trait polymétallique.

Après ces analyses, une hypothèse de chaîne de production a pu être proposée. À partir d’une barre de fer, le forgeron commence par faire un plat sur l’enclume, de l’épaisseur d’une fine tôle, en lui donnant une forme de queue d’aronde. Ce plat sera ensuite enroulé sur lui-même pour constituer la douille. L’autre extrémité est forgée en forme de pointe, soit directement sur la table d’enclume, soit à l’aide d’une matrice pour les sections triangulaires. Il n’est pas possible de dire si l’enroulement de la douille a lieu après ou avant le forgeage de la pointe.
L’apport de l’alliage cuivreux est réalisé après ces étapes. Pour arriver à cet aspect, le fer devait être plongé totalement ou en partie dans un creuset contenant le métal en fusion. En comparaison à d’autres techniques, ce traitement par immersion semble être le moyen le plus rapide pour recouvrir le projectile.






Pour conclure, on peut s’interroger sur l’intérêt d’ajouter un tel placage cuivreux. Au XVe s., les fers de trait sont des objets produits en série et en grande quantité (par centaines, voire par milliers). Leur production nécessite donc rapidité et efficacité. Ce placage pourrait être destiné à améliorer l’assemblage du fer avec le bois.
De par sa nature, ce traitement provoque un brasage de la douille qui, ainsi scellée, voit sa tenue mécanique renforcée. Une fois le bois ajusté par enlèvement de matière, il peut être enfoncé en force dans la douille, sans que le métal ne s’écarte et prenne du jeu. Un nouvel ajustement de la douille serait en effet une perte de temps pour l’artisan. La brasure de la douille serait donc un procédé simple pour une plus grande efficacité mécanique dans une économie de temps. En apparence, cela relève d’un détail technique insignifiant, mais étant donné les importantes quantités de projectiles produits à l’époque, ce détail prendrait toute son importance.


Découvrez un fer de trait du château à 360 °

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Carreau d’arbalète du château de La Madeleine à Chevreuse.
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