L'intérêt pour les Gaulois commence au début du XIXème siècle, avec quelques historiens passionnés. Ils leur attribuent de hautes vertus morales et politiques, un goût pour la paix et le travail de la terre. Grâce à eux, la France se découvre des ancêtres sympathiques. Plus tard, Napoléon III, lui, s'intéresse à César. Son propos est clairement idéologique. Il veut prouver que le " césarisme " fait le bonheur des peuples. Pour cela, il fait réaliser une enquête sans précédent avec des fouilles à Bibracte, à Alésia, des relevés topographiques, des reconstitutions de batailles Mais ces recherches aboutissent à un paradoxe. Alors que l'empereur ne s'intéresse qu'à César, elles font émerger des personnages et des sites considérés jusqu'alors comme de simples faire-valoir. Vercingétorix devient le symbole de l'époque gauloise.
La guerre de 1870-71 renforce l'attachement des Français aux Gaulois fiers et courageux, auxquels ils s'identifient aisément. Un amalgame se fait à cette époque entre la France agressée par les Allemands et les Gaulois résistant à l'invasion romaine. L'histoire semble bégayer. Même défaite due au désordre, mêmes appels de Vercingétorix et de Gambetta, mêmes sièges de Paris et d'Alésia. Par la suite, la IIIème République recherche des mythes fondateurs de la nation exempts de religion et de royauté. Elle fait de Vercingétorix l'incarnation des vertus du patriotisme.
En 1877, un livre paraît : " Le tour de France par deux enfants ". Il aura une influence considérable sur notre représentation de la Gaule. En voici un extrait : " La France notre patrie, était, il y a bien longtemps de cela, presque entièrement couverte de grandes forêts.( ) La France s'appelait alors la Gaule, et les hommes à demi sauvages qui l'habitaient étaient les Gaulois.( ) Ils estimaient avant toutes choses le courage et la liberté. Ils se riaient de la mort, ils se paraient pour le combat comme une fête ". Cette image de la Gaule va désormais prévaloir. Aujourd'hui encore, elle reste profondément ancrée. Les historiens et les archéologues ont les plus grandes difficultés à la faire évoluer. En effet, nous en savons bien plus qu'à l'époque. Bien loin des poncifs hérités du XIXème siècle, voici comment les chercheurs décrivent la Gaule.
La Gaule n'est pas une entité isolée, farouchement retranchée. Elle est en relation avec les grandes puissances de la Méditerranée. Une partie de la Gaule indépendante est depuis longtemps dans " l'orbite de Rome ". Dès 100 avant J.-C., certains peuples gaulois adoptent le monnayage d'argent et un poids aligné sur un demi-denier romain. Ils créent ainsi un espace économique où la monnaie est échangeable automatiquement. Un important commerce se développe. D'Italie arrivent d'énormes quantités d'amphores de vin (entre 500 000 et 1 million chaque année), de la vaisselle La Gaule fournit des produits comme le blé, le cuir, des salaisons, du bétail et des esclaves. Ces échanges ne sont pas l'uvre de quelques petits colporteurs. Intenses, organisés, ils bénéficient d'infrastructures importantes : routes, fleuves navigables
En dehors des commerçants, de nombreux Gaulois voyagent. Messages, idées circulent autant que les marchandises. Cheminer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à cheval n'est pas rare. Diviciac, magistrat et druide des Eduens, peuple du Morvan, a rencontré Cicéron à Rome. Mais c'est surtout comme mercenaires que les Gaulois ont voyagé. Cette pratique est connue depuis le IVème siècle avant J.-C. C'est par centaines de milliers que les Gaulois se sont loués aux belligérants. Par exemple, en -168, le roi de Macédoine veut combattre les armées romaines. Il envisage d'engager des mercenaires gaulois : 10 000 cavaliers et 10 000 fantassins. Ces milliers de guerriers reviennent riches de toutes sortes d'expériences. Ils ont vu les plus grandes villes du monde, ont parlé grec
Ils rapportent aussi de l'or, beaucoup d'or, perçu comme rémunération. La quantité est telle que la Gaule est considérée par les Grecs et les Romains comme un véritable Eldorado. Nous sommes bien loin de l'habituelle vision misérabiliste des Gaulois. Car ce ne sont pas des demi-sauvages. Leurs peuples ont de véritables Etats dotés d'archives, d'une administration. Ils sont dirigés par des régimes aristocratiques avec un sénat, des magistrats. Il existe aussi des comptes, des testaments, des pièces administratives. César signale chez les Helvètes des documents de recensement. Chez les Eduens, il mentionne une constitution très complexe.
Nous sommes donc bien loin des clichés hérités du XIXème siècle. Pour aider à passer du mythe aux faits, regardons de plus près les vestiges archéologiques, témoins de l'Histoire. D'après " Regards sur la Gaule "
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