La signature d’un intendant du château de Chevreuse

Ce petit objet d’environ 3 cm de diamètre a été découvert en 1979 lors de la fouille d’un puits, aujourd’hui disparu, situé dans la haute-cour du château de la Madeleine à Chevreuse. Ce puits, proche du donjon, contenait également plusieurs centaines d’objets médiévaux dont un important lot de céramiques et de flacons en verre.
Il s’agit d’une matrice de sceau, sorte de tampon en métal servant à apposer, dans de la cire, l’emblème (le sceau) d’un seigneur, de sa famille ou de son représentant. Les sceaux en cire scellaient officiellement des documents en parchemin.
Il en existe des centaines pour les seigneurs successifs de Chevreuse et leurs représentants. Plusieurs sont conservés aux Archives nationales, mais une belle collection existe également aux Archives départementales des Yvelines.
Ces sceaux ont des tailles et des formes différentes en fonction des usages et des gens qu’ils représentent (rond pour les hommes, ovale pour les femmes ou les religieux). La cire est généralement jaune, verte ou rouge et s’attache au parchemin par des fils de soie ou de cuir.
Cependant, le tampon d’origine ou matrice, qui servait à apposer ces signatures est un objet rarissime. On n’en connait aucun pour les seigneurs de Chevreuse alors que plusieurs dizaines de documents d’archives portent leur sceau.
Sur les trois matrices trouvées au total dans le château, celle-ci est la seule aujourd’hui identifiable, mais elle n’appartenait pas à un seigneur…
L’objet est en bronze (alliage cuivreux) pourvu d’un anneau de suspension au revers. Le motif en creux représente un aigle – ou alérion – aux ailes déployées tournant la tête. Le choix de cet oiseau n’est pas anodin, car les seigneurs de Chevreuse l’avaient choisi comme blason. Il est entouré d’une inscription dont on peut faire la lecture suivante :
┼ S(igillum).AMAURI PICOTE BA(lie) D(e).CHEVREUSE :
(Sceau Amauri Picote bailli de Chevreuse)
Cet Amauri Picote est mal connu, il apparaît pour la première fois entre 1276 et 1280 dans le cartulaire de l’abbaye de Port-Royal des Champs à Magny-les-Hameaux. L’orthographe, fluctuante à cette période, le mentionne ainsi tout d’abord : « Almari Piquete, par adonc prévost de Chevreuse ». Il est alors prévôt, c’est-à-dire l’officier ou le magistrat d’un roi ou d’un seigneur, sorte d’intendant d’un domaine.
Puis en 1280, Sédile de Chevreuse dite « Dame de Chevreuse » hérite du château et de la châtellenie. Dans un texte qui mentionne son hommage à l’évêque de Paris – qui lui donne, selon la tradition, l’investiture et un anneau d’or –, on apprend qu’elle est accompagnée par un Amaury Picot. Ce texte fournit l’ aveu d’Amaury ainsi que le dénombrement de toutes les possessions de la châtellenie ; il porte alors le titre de bailli, officier chargé de contrôler les prévôts. Lorsqu’en 1281, Sédile vend une terre à Bagneux (Hauts-de-Seine), elle mandate Amaury Piquot, toujours qualifié de bailli de Chevreuse, pour régler cette affaire. Enfin, en 1308, un Emerry Picote est mentionné en tant que « bourgeois de Chevreuse » et non plus comme bailli. Il est probable que, ayant quitté sa fonction de bailli, il se soit démis de son sceau nominatif et l’ai alors jeté dans le puits du château…
A ce jour aucun document d’archive scellé comportant ce motif n’a pourtant été découvert. Il est donc impossible de connaître le véritable pouvoir de ce personnage qui, à la fin du XIIIème siècle, représenta les seigneurs de Chevreuse.