Un jardin, le premier de cette époque fouillé en France, est planté d'espèces méditerranéennes
La maison s'ouvre sur l'extérieur par une belle colonnade. En sortant, le promeneur pénètre sous une pergola couverte de lierre. De part et d'autre le regard est accroché par la parfaite symétrie des plantations d'arbustes. En regardant de plus près, on est surpris par les essences plantées. C'est un véritable " jardin exotique ".
Les jardins antiques sont mal connus. Ceux de Pompéi et de Fishbourne en Grande-Bretagne, étaient jusqu'à présent les exemples les mieux étudiés. A Richebourg, les archéologues ont pu reconstituer à la fois les espèces cultivées, l'organisation des plantations, mais aussi les techniques horticoles pratiquées.
Le plan du jardin est très structuré. Il s'organise autour de deux chemins en pierre s'entrecroisant. Pour les ombrager, des rangées de poteaux forment une per-gola cou-verte, invitant à la flânerie. A leur croisée, une vasque en pierre recueille les eaux de pluie. Les arbustes sont installés dans les carrés ménagés par les chemins. Ils sont plantés en moyenne tous les quatre mètres en dessinant un maillage géométrique. Dans le carré ouest, l'alignement est rompu par une implantation en demi-cercle.
Ce jardin est entièrement fabriqué. Le sol argileux local n'étant pas adapté, le propriétaire fait apporter de la terre végétale. Suivant les prescriptions des agronomes latins, les jardiniers y incorporent du charbon de bois et de la cendre comme engrais. Les archéologues ont été surpris par l'abondance de coquilles d'huîtres et de moules. Elles servent à apporter du calcium et des phosphates au terrain. Bien qu'encore utilisé de nos jours, cet usage n'est pas signalé par les agronomes antiques.
Dans ces massifs ont été découvertes environ 150 céramiques perforées. Ces "pots de fleurs" servent à marcotter, transporter et transplanter des arbres ou des arbustes. Le marcottage est une technique de reproduction des plantes. L'auteur antique Pline dans le volume XVII de son Histoire Naturelle explique : " Il y a deux espèces de marcottage : on couche une branche tenant à l'arbre dans une fosse de quatre pieds en tous sens ; au bout de deux ans, on coupe à l'endroit de la courbure et on transplante au bout de trois ans ; si on veut les faire voyager loin, il est excellent de mettre en terre immédiatement les boutures dans des paniers ou des pots qui serviront au transport. Le second procédé est plus raffiné : on fait venir les racines sur l'arbre même, en faisant passer à travers des pots des branches qu'on entoure de terre ; en les sollicitant ainsi, on obtient des racines au milieu des fruits. [ ] Au bout de deux ans, on coupe la branche marcottée et on la plante avec son pot. "
Les résultats de l'étude des pollens sont surprenants. Ils identifient la présence de mélèze, cèdre, lilas et peut-être d'un ou plusieurs oliviers ornementaux. Ces espèces ne poussent pas à l'époque dans nos régions. Le propriétaire n'a pas hésité à faire venir ces jeunes plants depuis les bords de la Méditerranée. Autre précision étonnante, les analyses indiquent la présence d'une pelouse... rase. Ici, on ne badine pas avec l'entretien du gazon.