Les archéologues du Service archéolo-
gique départemental, à la fin de la fouille, ont décidé de faire une cuisson dans l'un des fours découverts sur le site.

Ils voulaient comprendre concrètement
le fonctionnement d'un tel four et retrouver les gestes des potiers gallo-romains.
Cette démarche, qui s'appelle " l'archéologie expérimentale ", permet de faire revivre
le passé mais également de tester
des hypothèses sur les techniques employées
par nos ancêtres.

Il a d'abord fallu extraire de l'argile d'une carrière où les potiers de La Boissière-Ecole s'étaient approvisionnés. Une fois préparée, cette argile a servi à Pierre Bayle, potier à Ginestas (Aude) pour tourner 340 pots imitant les modèles antiques.
Les poteries ont ensuite été mises à sécher en attendant l'enfournement. Parallèlement, les archéologues ont reconstruit la partie haute du four, détruite, où seraient placées les poteries.

Celles-ci ont alors pu être disposées soigneusement dans le four. Comme le haut de ce dernier avait disparu, on n'a pas pu déterminer s'il était à l'origine voûté
ou s'il était simplement couvert par des tuiles comme c'est par exemple souvent le cas au Maroc aujourd'hui. Pour la cuisson expérimentale, cette deuxième solution a été retenue. On a ensuite commencé la cuisson. Pour entretenir le feu, on a employé les mêmes essences d'arbres que celles qui avaient été utilisées par les potiers gallo-romains. En effet, grâce aux charbons de bois retrouvés dans le four pendant la fouille, on savait que du bouleau et du charme avaient été brûlés. Il était important d'utiliser les mêmes matériaux, car les qualités de combustion varient selon le bois utilisé. La cuisson a nécessité en tout 1,2 stères de bois, ajoutées régulièrement dans l'alandier.

Pendant 13 heures, la température est montée lentement, jusqu'à 900°. On a pu connaître cette température grâce à l'utilisation d'un appareil de mesure placé dans le four. Puis le four a été fermé par un mélange de sable et de paille humide, et la céramique a refroidi pendant plusieurs jours. Le défournement a été pratiqué avec méthode, comme une véritable fouille archéologique, afin de comprendre si la chaleur s'était bien répartie dans le four pendant la cuisson et si les poteries étaient bien cuites. Les pots étaient bien cuits, mais les archéologues souhaitaient obtenir des céramiques noires comme celles que savaient si bien faire les Gallo-romains. Or beaucoup de vases étaient seulement bruns, voire franchement oranges. Seuls les pots situés en haut du four étaient bien noirs. Après avoir récupéré toutes les poteries, les parois
du four ont également été étudiées,
pour observer les effets de la cuisson,
et comparer les traces laissées à celles
des anciennes cuissons.


Comment s'explique la couleur des pots ?


La couleur des poteries dépend de deux facteurs principaux : la nature de l'argile
et le type de cuisson. Si pendant la cuisson
il y a beaucoup d'oxygène qui circule, les poteries vont prendre une couleur claire, rouge ou blanche. Si au contraire il y a peu d'oxygène et beaucoup de fumée, on obtiendra des poteries grises ou noires.
Sur l'atelier de La Boissière-Ecole, les fours étaient plutôt dédiés à l'une ou l'autre cuisson, mais on pouvait aussi s'en servir
pour les deux.
Pendant la cuisson expérimentale, les archéologues ont fermé le four pour limiter l'apport d'oxygène et ont essayé de l'enfumer pour provoquer la création de goudrons afin de colorer la poterie en noir. Les deux tentatives d'enfumage ont dû être faites à des températures inadéquates. La température était trop élevée lors de la première, juste
à la fermeture du four : les goudrons ont été brûlés sans avoir le temps de colorer les poteries. La température était en revanche trop basse lors de la seconde : la pâte était déjà cuite et n'a pas absorbé les fumées. C'est pourquoi seuls les pots situés en haut ont été bien colorés : la température était moins élevée à cet endroit le plus éloigné de la source de chaleur et les poteries ont donc absorbé les goudrons. Conclusion, on ne s'improvise pas potier gallo-romain : il nous manque leur savoir-faire !




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